« Une maison d’édition panafricaine à Rabat », Le Messager (Cameroun)
Parution le 24 Novembre 2023
Le Messager n 8170 – Diaspora Maroc
Rabiaa Marhouch, Docteure en littérature française, éditrice, professeure de Lettres Modernes et passionnée par la pédagogie et les technologies éducatives, et Dominique Niouiga, très investie dans la promotion de la littérature jeunesse et les beaux livres, en sont les initiatrices.
Africamoude renvoie ainsi aux graines de pensée qui font livres, aux graines de mots qui donnent phrases, aux graines du savoir qui rendent compte de nos cultures riches de leurs héritages séculaires. Et afin de participer au rendez-vous des semailles puis des récoltes, nous avons retenu une symbolique arboricole ». La page de présentation de ce nouveau venu dans le monde de l’édition, à Rabat, en Afrique et dans le monde, ne peut être plus claire. Africamoude veut mettre en lumière les richesses de sujets littéraires et talents d’auteurs du berceau de l’humanité. Pour ce faire, la maison d’édition aura besoin de toute la passion mais aussi des compétences de ses deux promotrices, Rabiaa Marhouch et Dominique qui ont fait du livre, de la lecture et de la circulation des idées les moteurs de leur action. « Rabiaa Marhouch a fondé la collection « Sembura », première plateforme éditoriale au Maroc entièrement dédiée à la littérature panafricaine.
Dominique Nouiga a créé les éditions Nouiga pour promouvoir la littérature jeunesse et les beaux livres. Africamoude est le fruit d’une mutualisation de leurs expériences et de leurs forces », explique le texte de présentation, précisant : « notre offre éditoriale se décline en sept collections où s’épanouissent les graines de la création à l’ombre d’arbres symboliques qui, à terme, formeront une belle forêt littéraire », avant de poursuivre : « Les livres sont les poumons de notre santé intellectuelle comme le sont les arbres et les forêts pour la planète. Il nous a semblé particulièrement significatif, pour mieux respirer et s’abreuver de littérature, d’imagination et de réflexions, de placer ce projet éditorial dans une triple aspiration : écoculturelle, horizontale et solidaire ». Derrière ce projet éditorial se cache une ambition noble pour l’humanité entière.
« Faire rayonner le secteur du livre en Afrique »
« Notre objectif est de participer à la dynamisation du secteur du livre en Afrique à partir du Maroc. Considérant que la créativité littéraire et la lecture sont des espaces d’épanouissement des individus et des sociétés, nous sommes convaincues que le livre, la lecture et l’écriture sont de véritables leviers de développement pour l’Afrique. Nous souhaitons oeuvrer à l’amélioration de la connaissance du continent africain en articulant savoir et imagination pour promouvoir ses apports au monde », affirme encore les initiateurs d’Africamoude, avant de conclure : « notre ancrage est africain; l’universel est notre horizon et notre destination ». Bienvenu à Africamoude et beaucoup de courage à Rabiaa Marhouch et Dominique Nouiga, pour ce projet qui mérité l’accompagnement et le soutien de tous.
Trois questions à… Dr Rabiaa Marhouch
« Le rôle d’un éditeur n’est pas d’essentialiser, mais demagnifier »
Docteure en littérature française, éditrice, professeure de Lettres Modernes et passionnée
par la pédagogie et les technologies éducatives,
ancienne directrice des éditions Sembura, elle
partage l’ambition d’Africamoude, la nouvelle
maison d’édition qu’elle vient de lancer avec
Dominique Nouiga, ses objectifs pour la promotion des talents littéraires en Afrique et dans le monde, sans oublier de s’arrêter sur ses toutes premières oeuvres.
Dr Rabiaa Marhouch, merci pour votre disponibilité. Votre actualité est dense, puisque vous venez de créer la mai son d’édition Africamoude, à Rabat, la capitale du Maroc, que vous inaugurez avec la parution d’un beau livre au titre très évocateur : « L’Afrique célèbre Zulu Mbaye ». Pourquoi célébrer Zulu Mbaye pour la première parution de cette maison d’édition ?
Notre maison d’édition panafricaine Africamoude vient en effet de publier un beau livre sur Zulu Mbaye, l’un des artistes les plus réputés et les plus talentueux du continent, amoureux de l’Afrique et également ouvert au reste du monde qu’il a longtemps sillonné. Il a promené sa haute silhouette et son légendaire bâton de pèlerin pour satisfaire sa propre culture générale et, surtout, pour ses nombreuses expositions.
Le Sénégal et le Maroc le célèbrent actuellement en organisant une grande exposition à Dakar, au Musée
Théodore Monod et à la galerie Vema, du 27 octobre au 22 novembre 2023.
J’étais au vernissage de cette grande exposition, à laquelle participent une soixantaine d’artistes africains, pour y présenter notre livre éponyme L’Afrique célèbre Zulu Mbaye. C’est le premier ouvrage publié par
Africamoude et c’est la première fois qu’un livre est consacré à cet artiste qui fête ses 50 ans de carrière ! On ne peut pas espérer mieux pour lancer notre maison d’édition. Elle s’engage aussi, par ce genre d’ouvrage, dans la conservation de la mémoire artistique et littéraire des créateurs africains dont fait partie Zulu Mbaye. Les livres sont des documents précieux pour préserver, transmettre, valoriser et faire
vivre durablement un patrimoine et une singularité artistiques, aujourd’hui et demain. Les entreprises de dénigrement, cherchant à occulter le rôle des Africains, ont prétendu que le continent des origines humaines n’a pas d’histoire, ce qui est bien sûr loufoque et infondé. Mais c’est aussi à nous Africains de mettre en valeur les acquis, à nous d’historiciser l’Afrique en affichant et en immortalisant les visages qui font sa renommée et son prestige, c’est-à-dire, des personnalités marquantes et créatives. Cette
incarnation met en avant le génie africain, son savoir-faire, ses arts de vivre, sa beauté comme son intelligence. Le président camerounais Ahmadou Ahidjo résuma cette préoccupation par une
formule : « Il y en a qui écrivent l’histoire avec des gommages et d’autres avec des visages ». Zulu Mbaye est un visage archétypal. Nul ne pourra gommer nos visages si nous leur accordons, nous-mêmes, la place qui leur revient dans la bibliothèque universelle. Zulu Mbaye est désormais dans cette bibliothèque
avec L’Afrique célèbre Zulu Mbaye. D’autres personnalités, artistes et écrivains africains l’y rejoindront.
En quoi peut-on dire qu’Africamoude, par ses objectifs et son ambition, est une maison d’édition
panafricaine ?
Le livre dont je viens de parler rassemble une soixantaine d’artistes africains de plusieurs pays et une vingtaine d’écrivains, d’universitaires et d’acteurs culturels autour de celui qu’on surnomme « Le Pharaon des arts visuels africains ». Je pense que c’est un bel exemple d’une publication panafricaine.
Notre ligne éditoriale, nos collections qui portent des noms d’arbres africains (Flamboyant, Baobab,
Fromager, Arganier…) et notre devise (L’Afrique est notre ancrage, l’universel est notre destination !) reflètent également cette ambition. C’est notre univers et nos symboles.
Concrètement, Africamoude est la Maison commune ouverte aux manuscrits des créateurs du continent et de sa diaspora. Nous avons déjà dans notre catalogue le livre de l’un de nos écrivains les plus prolifiques, infatigable défenseur de l’imaginaire et du patrimoine littéraire et artistique africains,
Eugène Ebodé. Son recueil de contes Le Grand-père Ouidi au Sahel qui vient de paraître dans la collection
Dragonnier, est un texte rebondissant, drôle, à la fois moderne et ancré dans le riche terroir des contes et légendes du Sahel. D’autres belles plumes et belles découvertes arrivent. J’invite vos lecteurs à nous suivre sur notre site internet africamoudeedition.com.
Notre ambition est également de rendre disponibles nos livres dans la majorité des pays francophones et de veiller à ce que les prix soient abordables pour le plus grand nombre.
Comment l’éditrice que vous êtes entend-elle oeuvrer à accompagner le vaste mouvement que l’on observe ces dernières années en Afrique et auprès des diasporas africaines, de revendication d’un nouveau narratif du berceau de l’humanité construit par les Africaines et les afro-descendants
eux-mêmes ?
Le rôle d’un éditeur est d’être à l’écoute des créateurs et des besoins du public, non seulement pour s’inscrire dans un mouvement, mais aussi pour offrir aux lecteurs des pistes, des outils et des éléments de réflexion et d’imagination. La crise d’imagination est responsable de beaucoup d’impasses aujourd’hui. L’édition est un espace offert aux créateurs pour nous ouvrir des horizons parfois insoupçonnables.
C’est aussi cela le rôle des livres et de la lecture. J’ajoute que l’universel étant notre destination, nous sommes ouverts aux imaginaires venus d’un autre continent si le propos porte sur nos préoccupations et notre humanité commune. Nous sommes dans le même bateau, on le voit bien avec la crise
climatique, et ce n’est qu’en avançant ensemble qu’on pourra trouver des solutions. Le rôle d’un éditeur n’est pas d’essentialiser, mais de magnifier. Écrivain de tous les pays, l’Afrique est votre berceau ! Il ne s’agit pas d’un slogan, mais d’un appel à une réelle fraternité de plume autour d’un continent central. Il en a assez de la marge dans laquelle on l’a cantonné au nom d’un leadership immoral et aujourd’hui légitimement contesté.